Droits et Devoirs de votre moulin

Juridique

Droit d’eau

Un droit d’eau est un droit réel attaché à l’existence d’un ouvrage hydraulique (chaussée, seuil, digue, barrage). Un ouvrage hydraulique dispose d’un droit d’eau dit « fondé en titre » ou « fondé sur titre », sans limite de temps et sans nécessité d’autorisation administrative nouvelle, dans deux cas de figure : si l’ouvrage  existe avant 1566 en rivière domaniale ou avant 1791 en rivière non domaniale ; s’il existe entre 1791 et 1919 avec une puissance inférieure à 150 kW. Pour que le droit d’eau soit valide, plusieurs conditions sont nécessaires : pas de ruine complète des ouvrages (par exemple, barrage complètement disparu), pas de changement d’affectation de ces ouvrages (par exemple bief volontairement comblé). Il existe par ailleurs des cas où le droit d’eau peut être abrogé par l’autorité administrative (trouble grave et immédiat pour la sécurité, la salubrité, le milieu). Un propriétaire doit apporter la preuve (par tout moyen : cartes, mentions écrites, etc.) de l’existence historique d’un ouvrage (avant 1566, 1791, 1919 selon les cas). Une administration contestant un droit d’eau doit apporter la preuve de ses allégations, dans le cadre d’une procédure contradictoire. A noter : le Conseil d’Etat a rappelé que le droit d’eau est assimilable à un droit réel immobilier (relié à la propriété de l’ouvrage ou des annexes hydrauliques qui en dérivent). Il est donc inexact de prétendre que le droit d’eau impliquerait comme condition d’existence de conserver l’usage l’ayant vu naître (meunerie, pisciculture, etc.) dans les siècles passés. Le droit français assume le fait que les usages des propriétés évoluent dans le temps, ce qui ne fait pas perdre pour autant les droits qui leur sont attachés.

Questions :

Avez-vous la preuve de l’existence de la prise d’eau avant l’abolition du régime féodal et plus spécialement avant la loi du 20 août 1790 par tout document de date antérieure ?

Pouvez-vous prouver que la prise d’eau a été autorisée ou réglementée par un décret, une ordonnance ou un arrêté antérieur à la loi du 16 octobre 1919 ?

Avez-vous reconstitué une chaîne ininterrompue de titres permettant d’établir un lien direct entre la mise d’eau actuelle et le document prouvant son existence avant le 4 août 1789 ?

Avez-vous le règlement d’eau permettant de connaître les caractéristiques de la prise d’eau et du fonctionnement au moment de son autorisation ?

Les réponses à ces questions se trouvent dans votre droit d’eau.

Vérifiez que votre moulin se trouve sur la carte de Cassini (1756-1789) (la carte est disponible sur internet)

Vérifiez que vous êtes propriétaire du bief amont et aval. Possédez-vous toutes les rives du bief ? Avez-vous les numéros de parcelles (si elles sont référencées)?

Connaissez-vous la longueur exacte de votre bief ?

Votre moulin se situe-t-il sur le bief ou sur le lit de la rivière ?

Où se situe le déversoir de superficie ? (Le déversoir de superficie se situe toujours en amont. Le surplus d’eau qui alimente le moulin passe par un bras de décharge pour aller dans le thalweg).

Connaissez-vous sa consistance légale : son débit, sa hauteur de chute?

Êtes-vous en liste 1 ou en liste 2 ? (vérifiez sur la cartographie de la Direction Départementale des Territoires)

Des conventions ou servitudes ont-elles été signées avec des pêcheurs ou tout autre organisme utilisant l’eau ?

Connaissez-vous la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 :

L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général.

Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Les coûts liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques.

A compter du 1er janvier 2014, les anciens éléments et usages locaux qui n’ont pas été mis à jour cessent d’être en vigueur

Relisez vos documents, fouillez aux archives départementales, municipales ou notariales, etc… Retrouvez les documents relatifs à votre moulin. Ne laissez pas à vos successeurs une situation complexe dont ils auront beaucoup de mal à s’y retrouver. Préservez votre patrimoine avant de le transmettre. Ainsi votre droit d’eau ne sera pas abrogé et votre moulin gardera sa valeur patrimoniale.


Ce que vous devez savoir avant d’acheter un moulin

Juridique

Définitions :

Un moulin est une usine implantée au bord d’un cours d’eau, et autorisée à utiliser l’énergie hydraulique de ce cours d’eau (par exemple comme force motrice pour animer des équipages ou pour la transformer en énergie électrique).

Le droit d’utiliser l’eau relève de l’art.644 du Code Civil, la seule réserve étant l’obligation de restituer l’eau à son cours ordinaire, après usage. Droit réel immobilier, il s’agit bien ‘un droit d’usage et non d’un droit de propriété.

Les canaux amenant l’eau au moulin depuis la prise d’eau et ceux destinés à la renvoyer au cours naturel de la rivière, lorsqu’ils ont été creusés de la main de l’homme pour usage exclusif du moulin, sont présumés en constituer l’accessoire, en application de l’art. 546 du Code Civil. Ils sont soumis à l’impôt foncier, qu’ils aient ou non un numéro de parcelle cadastrale. N’ayant pas la qualification de cours d’eau, les dispositions spécifiques au droit de riveraineté ne leur sont pas applicables. Les éléments constitutifs du dispositif hydraulique tels que barrage, vannages, déversoir sont également réputés appartenir au moulin.

Le règlement d’eau est un acte administratif valant autorisation d’utiliser l’eau et fixant les conditions de fonctionnement du moulin.

La fondation en titre, droit imprescriptible, résulte d’une occupation du cours d’eau -non domanial- avant 1790 (preuve pouvant être apportée par tout moyen : documents même privés ou justifications de certaines situations de fait très anciennes).

Mentions à faire figurer sur l’acte de vente d’un moulin

Désignation du moulin :

Il est essentiel de noter que la mention « ancien moulin » est excessivement restrictive, elle ne peut se comprendre que lorsque le moulin a perdu l’ensemble de ses caractéristiques de moulin et que le propriétaire a renoncé expressivement à ses droits. Elle devient en ce cas une simple clause de style n’affectant pas la nature de l’immeuble, et le nouveau propriétaire ne pourra s’en prévaloir pour faire reconnaître l’existence juridique du « moulin » .

Lors de la vente d’un moulin, il convient de préciser lorsque cela est attesté « bâti de temps immémorial » (cette mention se retrouve couramment dans les actes et documents anciens), d’indiquer qu’il tournait encore en …… ,

lorsque sa cessation d’activité est récente, et éventuellement « apte à produire de l’énergie hydraulique » lorsque le système hydraulique (prise d’eau, biefs, roue ou turbine, vannages …) existe, même si son état justifie des travaux de rénovation. Lorsque c’est le cas ne pas omettre de mentionner « muni ou muni partiellement de son équipage, en le détaillant : meules, engrenages, etc… ».

Règlement d’eau :

Celui qui entend vendre un « moulin » doit justifier de son droit d’eau afin que la qualité de moulin ne risque pas d’être contestée par la suite. Le droit d’usage de l’eau pour un moulin est matérialisé dans son « règlement d’eau ». S’agissant d’un document essentiel, le règlement d’eau (ou à défaut la justification et la consistance de l’existence légale) doit être annexé à l’acte de vente, le droit qui en résulte, attaché aux ouvrages, étant cessible par définition.

Certains moulins antérieurs à la Révolution peuvent ne jamais avoir été réglementés, il suffit en ce cas de justifier de l’existence dudit moulin (localisation sur la carte de Cassini, autorisations, baux, factures, actes de vente antérieurs à la Révolution, successions, ou vente de biens nationaux) avant l’abolition de la féodalité pour un moulin établi sur un cours d’eau non domanial, ou avant 1566 (Edit de Moulins) pour un moulin établi sur un cours d’eau domanial, et de définir sa « consistance légale », c’est-à-dire la puissance hydraulique nécessaire à son fonctionnement – cette consistance pouvant être présumée conforme à la consistance actuelle sauf preuve contraire à apporter par Administration : ces moulins sont dits « fondés en titre ».

Propriété des canaux :

L’acte de vente doit en outre impérativement mentionner que le moulin est vendu avec l’ensemble des ouvrages qui en constituent l’accessoire (prise d’eau, biefs, canaux, vannages, déversoirs). Cette mention est d’autant plus importante lorsque la prise d’eau a été établie sur un fonds supérieur n’appartenant pas au cédant ou vendu dans un lot distinct.

En cas de démembrement de la propriété d’un moulin, les canaux  d’amenée ou de fuite ne peuvent être vendus en tant que « terrains » : en effet à défaut de preuve contraire (démembrement de propriété antérieur dûment enregistré, actes à l’appui ) ils sont présumés appartenir au moulin, même si leur sol n’est pas cadastré. Par ailleurs, il est conseillé d’inscrire que le propriétaire jouit d’un droit de passage le long du bief pour assurer ses obligions d’entretien, et du droit de dépôt des produits de curage sur les francs-bords (la parcelle traversée par le bief sera ainsi grevée d’une servitude d’accès qui devra figurer explicitement sur l’acte de vente afin de préserver les droits du moulin) .

Afin de prévenir l’apparition de litiges ultérieurs, il est possible de demander au service du cadastre d’attribuer un n° de parcelle spécifique au bief et autres canaux du moulin, et de faire rattacher ladite parcelle à la propriété du moulin. A défaut la mention suivante peut être portée dans l’acte « le propriétaire du moulin acquittera la taxe foncière sur le bief, dans toute l’étendue du remous ». L’intervention d’un géomètre peut être souhaitable afin de définir très précisément les limites de propriété du moulin et de ses abords.

Il importe d’être très vigilant au moment de la rédaction de l’acte d’acquisition d’un moulin : il faut bien vérifier les limites de sa propriété, et s’assurer que ce que l’on signe d’une part est bien conforme à la réalité sur le terrain, d’autre part permettra de faire valoir ses droits à l’utilisation de l’énergie hydraulique constituant la définition même du moulin.

Dernier conseil aux futurs acquéreurs d’un moulin :

Un moulin n’est pas une simple bâtisse au bord de l’eau, et acheter un moulin n’est pas un acte banal : vous en tirerez beaucoup de satisfaction, mais vous pourrez avoir besoin de conseils qualifiés pour une restauration, vous aurez aussi parfois besoin de vous battre pour faire reconnaître vos droits.